Itinéraire d’un enfant qui a eu de la chance : Une « vocation » ?

1 Introduction.

Genève est la ville des spécialistes de la psychologie, comme Piaget, et de la linguistique comme de Saussure, et c’est en lisant un article dans le journal « LE TEMPS » – équivalent local du « Monde » – que j’ai eu la confirmation que ma manière d’aborder la vie n’était pas si originale, et que ce n’était pas un handicap, mais une chance.

En gros, notre cerveau fonctionne avec deux hémisphères, coordonnés au centre qui nous permettent de nous situer dans l’espace et le temps, et de classer ce que nous découvrons dans nos souvenirs, autrement dit dans notre « disque dur »

Il y aurait, dans cette illustration informatique, deux systèmes inégalement réparti dans la population : Le système dit « normal » avec une prépondérance au cerveau droit, qui nous fait classer les acquis das un ordre suivi, les uns à la suite des autres, codés de telle manière que nous les retrouvons pratiquement chronologiquement.

Et il y a le « feeware », le logiciel libre, qui classe aléatoirement tout ce qui se présente, par catégories, par styles, par formes, par analogies. Le cerveau sollicité par une allusion,va remettre en évidence tout ce qui s’y rapporte, et vous serez très agacés par ces personnes qui semblent avoir « réponse à tout ».

L’article suggérait que les enseignants soient formés pour comprendre ces différences et adaptent leurs programmes en conséquence… ce que les « maîtres à penser » de l’instruction publique considère comme impossible : De toute évidence je n’étais pas fait pour l’enseignement dispensé à Genève à l’époque, trop passionné par tout ce qui m’entourait et qui me « distrayait » d’une scolarité conformée à un modèle encore mal perçu.

J’ajouterai – pour clarifier ma relation avec « Dieu » en reprenant les termes de Klaas Hendrikse qui a publié chez Labor et Fidès sa profession de foi de pasteur athée – athée du déisme en cours, héritage de la culture gréco-romaine et vaticane – que Dieu ne laisse de trace que dans la rencontre de deux personnes. Le professeur de Strasbourg Frédéric Rognon précise que c’est aussi une manière d’aborder Dieu qu’exprime Emmanuel Levinas…

Pour dire encore ma conviction, avec Dany Robert Dufour, sociologue et philosophe, athée lui aussi, à Paris V qui reconnaît avec stupéfaction que la seule trace incontestable de Dieu sont les « dix paroles » de Moïse, que l’on retrouve avec peu de variantes dans toutes les civilisations, comme condition de la vie sociale.

Je n’expliquerai pas que l’expérience d’Elie dans la grotte de l’Horeb n’est qu’une question d’acouphènes, mais après tout, pourquoi pas ?

Il a souvent été question de « vocation » pour mes collègues pasteurs et prêtres, comme une sorte d’appel « d’en haut » ou « d’en bas » en ce qui me concerne je crois que la vocation est « un appel », je dirai une ouverture vers quelque chose, elle est toujours – dans mon cas – une invitation à explorer, et à faire écho en signe de reconnaissance d’une pertinence acceptée – soumise à la critique bien sûr, sauf chez les mégalos comme le montre l’exemple de Brewik le Norvégien tueurs de ses semblables , après Hitler et quelques autres dictateurs et fondamentalistes religieux

Pour moi la vocation c’est donc l’écho de la rencontre de différentes personnes dans des domaines très différents au cours de ma vie, la notion de « Dieu » ayant été parfois suggérée, mais jamais « confessée » personnellement.

2 les rencontres de l’ouverture à la vie.

La première personne dont je me souviens est la Grand Mère qui m’a élevé : Notez qu’en français, élever a aussi le sens de propulser vers le haut, je ne ferai pas la leçon aux théologiens qui savent ce que veut dire «élevé sur la croix ».

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L’auxiliaire de la croix rouge et le « prisonnier d’honneur »

Je suis né pendant la guerre de la rencontre d’un soldat Hollandais en route vers les alliés, de passage en Suisse où il a rencontré, lors d’un transfert de prisonnier d’honneur, une collaboratrice de la Croix Rouge, qu’il a épousée avant de rejoindre Londres. Ma mère est décédée alors que je n’avais que trois ans, et mon père est resté aux Pays Bas où il s’est remarié : Je suis donc resté en Suisse.

Cette Grand Mère était descendante par sa mère, d’un marin suisse, décédé de la fièvre jaune en mer de chine – cela ne s’invente pas ! Et son père biologique (secret de famille révélé à 37 ans) un juif marocain, ami de Charles de Foucault, du Maréchal Lyautey et du Sultan… Très tôt elle se distingue du reste de sa famille de la petite bourgeoisie genevoise.
Elle fait du théâtre, joue avec Georges Pitoëf, qui reçoit en répétition un photographe appelé François Simon, dont le physique suggère au metteur en scène de l’engager … sous le nom de Michel Simon. Elle a été la première femme à jouer lors des théâtrales des sociétés d’étudiants à Genève, ce qui lui a ouvert les portes de toute la société genevoise.

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Veuve en 42, elle me prend en charge en 46, et vit de l’aide de ses amis et d’une maigre rente de veuve.

En hier 47, à Villars, Avec sa mère, une amie de ma grand-Mère, Philippe Maillard, jeune dominicain me fait sauter sur ses genoux, avec quelques confrères ils se font du bien dans la neige : il y a un tremblement de terre : Le château de plots s’effondre.

Il deviendra aumônier des Prisons de France, à Loos près de Lille où il termine sa vie dans une semi retraite.

Quelques années plus tard, il m’invitera à faire « l’enfant de chœur à la clochette » dans un remplacement qu’il assure dans l’église catholique de Rolle où réside sa famille à la belle saison. Première expérience œcuménique.

Une autre fois, a Sion, confié à un capucin pour prendre le train de Genève, par mes cousins catholiques, je mange à la table de Mgr Adam, évêque du Valais. J’avais 7 ans, et son premier commensal protestant. En sandales il a pu vérifier que je n’avais pas les pieds fourchus.

Tous les été ma Grand Mère est l’animatrice bénévole de ce que nous appellerions aujourd’hui une « maison d’hôte » dans la campagne genevoise, qui hébergeait momentanément des membres de la famille de ma tante, de leurs amis, puis des amis des amis.

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La Gara, Jussy

Seul enfant dans un monde d’adultes, j’ai donc partagé les repas et les conversations des hôtes les plus divers :

– La Sœur de Guy de Pourtalès, auteur de « La pêche miraculeuse », austère veuve d’un hobereau allemand hostile à Hitler, qui parlait de la grande Allemagne et de son amitié pour le « Kronprinz ».

– Horace Kellogg, un américain qui avait tout à voir avec le Pacte Bryan-Kellogg et les Corn Flakes. – – Youra Guller la pianiste contemporaine de Clara Haskil, qui avait perdu les pédales de ses steinways dans sa fulgurante carrière.

– Gustave Revillod, architecte à Paris, descendant de son homonyme mécène culturel et créateur de musées à Genève.

– Il y avait la famille : Bernard Barbey, attaché culturel à l’ambassade Suisse à Paris. Sa belle sœur, épouse de Ionel Styrcea, dernier Aide de Camp du Rois Michel de Roumanie, emprisonné 25 ans par les communistes.

– Il y avait aussi divers membres des parlements genevois ou fédéraux, Marcel Naville président du CICR. Toutes ces personnes partageaient leurs connaissances, échangeaient dans la convivialité leurs convergences ou leurs oppositions pendant les repas et au moment du café, lorsque je me glissais à la cuisine pour d’autres rencontres 

Dans la cuisine, il y avait là une famille de républicains espagnols contraint par Franco de s’exiler pour survivre : Aurelio Vicente avait été mécano pour l’escadrille des Brigades internationale, et avait rencontré Malraux, Kessel, Hemingway.

Il me racontait ce que je n’avais pas trouvé dans leurs livres, et me faisait comprendre la difficulté d’être à la hauteur de ses convictions : Directeur d’une entreprise de transport, il avait été ruiné et rendu infirme par un attentat phalangiste et contraint à l’exil.

En fin de journée je retrouvais dans les dépendances Maurice Pilonnel, le fils de la jardinière qui nous procurait les légumes et les bouquets de fleurs. Une sorte de génie de la mécanique qui m’a appris le fonctionnement et le démontage d’un moteur sur ses motos et son spider MG, l’utilisation d’un tour à fraiser, des astuces pour remplacer les joints de culasse, et la construction de maquettes de planeur…

L’école primaire était facile, cela accompagnait seulement les autres moments de la journée. La collection reliée de la « Revues des deux mondes » du début du sièclem’enchantaient : Les premières voitures, la route du Pôle, les colonies…

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Ella Maillart sur son bateau à Genthod

Parmi les amies de ma grand-mère se trouvait aussi Ella Maillart, la voyageuse dont j’aurai l’occasion de célébrer le service funèbre à Chandolin

La présence à notre table en hiver d’un pasteur pochetron, rayé de ses fonctions, fils du célèbre prédicateur Frank Thomas, et accueilli par ma grand mère – en fait le père de sa Belle Fille – m’a ouvert de nouvelles perspectives : On parlait de philosophie, j’ai découvert là Socrate et Platon, mais aussi la psychanalyse et Freud contre Young, et naturellement la théologie, Karl Barth et Bultman n’était jamais loin dans les commentaires pour compenser les affirmations des « libéraux » qui n’avaient pas tort, mais s’exprimaient maladroitement. Il m’a donné envie d’apprendre le grec.

La communauté chrétienne, l’église, l’institution n’avait d’existence que par la fréquentation du culte à la campagne en été, une excursion parfois en calèche avec les chevaux, et à la Cathédrale de St.Pierre à 100m de notre appartement. Culte de l’enfance et de jeunesse faisaient partie de la routine – on y trouvait aussi des filles !

Maurice Wenger, prof de dessin au collège (Lycée) de Genève me dit un jour : Continue à peindre et à dessiner, mais ne prend pas de cours … je n’ai jamais cessé depuis 1956…

J’avais 14 ans, André Gür, prof de français terminait son cours du samedi matin par un quart d’heure de « l’affaire Dreyfus » – il préparait un doctorat sur le sujet – Nous écoutions passionnés : Qui a rédigé le « petit Bleu » ? quel rôle à Esterhazy ? Et enfin Zola. J’en retire ma méfiance de toute autorité militaire et de sa pertinence, et qu’il est possible de faire éclater la justice en ayant le courage de ses opinions, au risque de sa vie. C’était dans la vie réelle… L’histoire de la crucifixion de Jésus ressortait plutôt des « belles histoires de la Bible »

La confirmation avec le pasteur Louis Lucas n’a donné lieu à aucun engagement particulier, autre qu’une prise de parole à l’assemblée de paroisse qui a suivi la confirmation, pour demander pourquoi pendant l’avent , au culte du soir, on allumait des bougies sur la table de communion à la Cathédrale et pas à celui de dix heures : Réponse « cela ferait catholique ! » En privé, avec le pasteur, nous parlions représentations picturales et projets d’avenir, mais pas dans l’église !

Un camarade de volée était le filleul et neveu de Roger Schutz, avec lui en 1962 je connaîtrais Taizé avant la construction de la Grande Eglise, à l’époque où la 1e pierre avait été déposée dans une brouette pour essayer différents emplacements sur la colline. J’y ai fait quelques séjours prolongés, mais ce n’était vraiment pas ma tasse de café, par ailleurs assez insipide, sauf chez Madame Barbier !

J’avais aussi un oncle Henri Stadelhofen, journaliste de radio et de presse écrite, correspondant en Suisse pour Europe N°1. Il nous racontait les exploits des journalistes, les siens et ceux qu’il s’attribuait parfois comme on s’en rendait de plus en plus compte avec les années, mais lui, avant 40 ans, il avait une Rolex à son poignet ! (Allusion à une affirmation de Jacques Seguéla selon qui, si on a pas une Rolex à 40 ans on n’a pas réussi sa vie)

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A Monterêt: camp d’automne 1961

Par le Collège et les copains – et les copines aussi – je suis entré en contact avec la fédération des associations chrétiennes d’étudiants lycéens (La FEDE, dont le Président de l’époque en France, s’appelait Michel Roccard, et qui a décidé avec le genevois Pierre Dominicé, étudiant au Bd Arago, en mai 68, qu’elle n’avait plus de raison d’être, puisque le Royaume de Dieu s’était manifesté!).

L’aumônier de l’époque s’appelait Pierre Reymond, l’exemple même du pasteur proche de ses paroissiens, érudit et sensible, tour à tour fraternel et paternel, nous sommes restés très proches jusqu’à sa mort.DAC P1040475

La période de la FEDE a été très importante pour moi, d’abord à cause des amis qui nous nous y faisions – je repense à ma grand-mère et ses amis des sociétés d’étudiants – et des activités que nous pouvions y déployer :

Les camps avec un sérieux apport théologique et biblique, les activités sociales d’entraide, en relations avec le Centre Social Protestant – réfection d’appartements en particulier – et le théâtre dans lequel le me suis lancé comme acteur, puis comme metteur en scène et auteur, maladroit comme on peut l’être à l’adolescence.

Je découvrais là qu’il y avait une relation entre ce que nous trouvions dans la Bible et ce que nous pouvions faire à notre niveau, modestement, concrètement : être témoins de la « Bonne Nouvelle »

Tout cela ne fonctionnait pas très harmonieusement avec les exigences du Collège (Lycée) où j’avais un parcours chaotique : Moderne, Scientifique, Classique/Latin-Grec, finalement le directeur a annoncé à la famille que je serai pas capable de faire des études supérieures et que je devrai plutôt faire un apprentissage…

Va pour l’apprentissage de dessinateur en bâtiment dans un bureau genevois réputé.

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Un des bâtiments sur lequel j’ai apprécié de travailler comme dessinateur dans « l’Atelier d’Architectes »

Je me souviens des cours de correspondance commerciales où je lisais Sartres et Camus dont me parlaient les copains restés au Collège. J’y ai acquis tout de même les bases graphiques d’un métier qui s’est presque totalement informatisé, et les techniques de construction du bâtiment.

J’y passerai 3 ans, au lieu des 4 réglementaires avec comme condition d’obtention du certificat fédéral de capacité, qu’on ne pouvait pas ne pas me donner, l’engagement que je quittais la profession ; je savais que je n’avais pas la « vocation » dans le boum économique du bâtiment. Il fallait convaincre les maîtres d’œuvres que les augmentations de budgets étaient inévitables et les entreprises qu’elles devaient faire de notables rabais pour obtenir les mandats… où passait la différence ? Pas dans la poche de ceux qui devaient faire les téléphones, c’est à dire les dessinateurs et collaborateurs en charge des dossiers. J’avais appris à faire le café, à porter des plans à la poste et la déplacer les voitures des collaborateurs dans les parkings limités.

Pendant cet apprentissage j’ai continué à assumer des responsabilités au sein de la FEDE, et impressionné par ce que nous montrait Pierre Reymond de ce que représentait les études de théologie, je n’ai plus envisagé d’autres issues.

Après mon passage, le bureau d’architectes n’a plus eu le droit de former des apprentis : J’étais déjà inscrit à l’Ecole Préparatoire de Théologie Protestante de Lyon,qui permettait de préparer des examens d’entrée à la faculté de théologie de Genève.

3. Les rencontres qui forment les convictions.

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L’inauguration de la friteuse à l’école Préparatoire de Théologie de St Cyr au Mont d’Or 1965

Les rencontres suivantes, ce sont les camarades de l’Ecole préparatoire de Lyon, de tous horizons, du vicomte au paysan, de l’électricien au boucher ou au livreur de bière. Soldats sceptiques de la Guerre d’Algérie, descendant improbable de soldats allié, ou élève égaré sur le chemin de l’école. Et puis « Tata » Gantenbein, la cuisinière de la maison, inclassable mère de substitution.

Ils m’ont ouvert les yeux sur la politique, appris qui était Pierre Mendes-France, l’engagement socialiste, les membres du réseau Jeanson. Et aussi la perspective que l’Évangile était un réel risque quand il était pris au sérieux.

Mais j’y ai appris aussi qu’en Cévennes, on était communiste sans connaître Marx parce qu’on était protestant et que les cathos, eux étaient Gaullistes de droite ! Situation que je vais retrouver plus tard dans plusieurs pays.

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Jean-Marc Chappuis à gauche directeur de la Vie Protestante et du Service TV des Eglises de Suisse Romande

A la faculté de théologie : j’ai rencontré Jean-Marc Chappuis (un cousin de l’épouse de mon oncle) était professeur de théologie pratique mais aussi journaliste, d’abord directeur de « La Vie Protestante » hebdomadaire, puis du Service TV des Eglises Protestantes. Il a suivi mon processus de formation jusqu’au mémoire de licence, et ultérieurement dans le programme de doctorat interrompu par son décès prématuré.

En juillet 68, cours d’Hébreu Biblique dans un ancien hôtel recyclé en séminaire à Cannes, organisé par l’alliance Biblique et les amitiés Judéo-chrétiennes de France. Nous faisons une rencontre inoubliable avec Abraham Ben Meïr, né à Ispahan, formateur de Talmud Torah pour des rabbins à Bruxelles et Lille. C’est la découverte de l’histoire de la rencontre merveilleuse d’Isaac et Rebecca, et des livres d’Elie Wiesel.

Trois mois plus tard nous invitons Abraham Ben Meïr pour une semaine d’hébreu à Genève. Un jour où nous nous félicitons de l’avoir au milieu de nous, avec sa foi et son enthousiasme, il se fâche tout rouge en pleine circulation sur la Place Neuve pour nous interdire de parler de sa foi : Il est absolument incroyant, il n’accorde aucune importance aux rituels, même si il les observe sans problème.

Nous lui faisons remarquer que c’est tout de même curieux pour quelqu’un qui forme des rabbins ! « Oui » dit-il «  mais je n’ai rien trouvé de mieux ! »

Là j’avais trouvé quelqu’un qui n’était pas loin de ce que je n’osais pas toujours affirmer : Mon scepticisme fondamental sur ce qu’aujourd’hui j’appelle « les calembredaines dogmatiques »

A l’occasion de ces rencontres avec le judaïsme, je commence aussi à me poser des questions sur l’hérédité : L’acquis et l’inné … L’origine paternelle juive de ma Grand-Mère a-t-elle passé à travers l’ADN dont j’ai hérité : Je me trouve à l’aise dans le questionnement rabbinique de la religion et la contestation des affirmations dogmatiques propres à la tradition talmudique : « Dieu n’existe pas, et nous sommes son peuple »

4 Trouver une activité « professionnelle » pour un licencié en théologie…

En automne 68 les étudiants en théologie devaient envisager leur thème de mémoire, et éventuellement l’orientation de leur « vocation » … Nous nous sommes concertés et avons décidé d’écrire à toutes les églises francophones pour leur demander quels sont leurs besoins en mesure d’être remplis par des diplômés en théologie. 140 questionnaires envoyés 40 retournés, 20 sans besoins particulier sinon des pasteurs de paroisses, mais pas des genevois, merci on a sur place !

Je fais la connaissance de celle qui deviendra mon épouse : Sceptique, théologienne, mathématicienne, violoncelliste, méfiante …Line sera celle qui m’appellera tous les jours à la cohérence de mon action et de mes idées…

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André Junod, réalisateur TVR

A Genève il y avait quelques demandes plus spécifiques : Aumônerie d’hôpital, et la suggestion d’André Junod, pasteur et réalisateur à la télévision Suisse Romande. Il avait annoncé qu’il quitterait son poste de réalisateur « ecclésiastique » après dix ans et qu’il lui faudrait un successeur. Pour y arriver, il devrait avoir une expérience paroissiale, et une formation spécifique.

Entre nous, nous nous sommes répartis quelques pistes : Catéchétiques, Hospitalières, administratives, et j’ai choisi la piste « télévision » : …« Vocation » si vous voulez.

En 1970, j’ai rédigé un mémoire de licence sur l’Evangile et la communication,(et épousé celle qui a tapé mon mémoire) Nous sommes partis comme Boursiers du COE a Indianapolis aux USA dans une université où s’enseignait les métiers de la télévision, du théâtre et du journalisme – une ville pas seulement célèbre pour son circuit automobile.

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Christian Teological Seminary Indianapolis

Nous découvrons un séminaire théologique œcuménique où se retrouvent les principales dénominations qui font partie du Conseil des église Américaines, (NCC) avec en plus, les catholiques et les juifs libéraux.

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Le séminaire interconfessionnel

Notre voisin Max Case, méthodiste nous décrit les usages locaux : Les dénominations sont fonction des lieux où on habite ou des métiers qu’on exerce, il est possible de passer de l’une à l’autre sauf chez les baptistes de la « Southern Convention » et affiliés (qui sont les piliers du parti républicain aux USA).)

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Richard DN Dickinson

Richard Dickinson devient notre « prof » le plus proche : Il a été « résident » du COE à Bossey, directeur de la section Ethique et coopération du Conseil Œcuménique Il sera, jusqu’à son décès, , celui avec qui nous avons gardé le contact le plus fréquent, souvent des petits-déjeuners à des heures improbables à l’aéroport de Genève en attente du prochain vol pour New-York ou New Delhi.

Je ne peux pas manquer non plus Harold Fey, Professeur émérite d’éthique du journalisme et ancien rédacteur en chef de la revue « Christian Century » de Chicago, leader de la « libéral théology » aux USA. Il nous a ouvert les portes d’une « high school » en réserve Navajo, impossible à visiter pour des « visages pâles » et surtout pour des américains. Il s’en faisait l’avocat en toutes circonstances déplorant l’attitude inqualifiable de son pays à l’égard des « Natives americans »

De retour en Suisse, je deviens Assistant d’André Junod à la Télévision pendant 4 ans à temps très partiel.

Parallèlement, j’exerce un ministère pastoral en campagne vaudoise pendant 6 ans, après un passage à la Cathédrale de Lausanne auprès de pasteurs traditionalistes et réputés pour « vérifier la fiabilité d’un genevois qui a fait ses études pendant la période de 68. »

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La cure de Dommartin 16e sècle

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Le pasteur devant son temple 1974

Le lendemain de mon arrivée, devant la ferme où « il gouvernait » son bétail, Willy Curchod, dix ans de plus que moi, averti le jeune pasteur qui remplaçait l’ancien mis à la retraite : « Si vous faites quelque chose qui a un sens, on vous suivra, sinon, l’église sera vide ». Je lui répond « super : quand est-ce que vous entrez au Conseil de Paroisse ? » « Jamais, j’ai autre choses à faire ! ».

Il était le premier de la région à avoir « informatisé son bétail » en 1973 cela signifiait mettre les caractéristiques de chaque bête sur des cartes perforées, et faire trier la machine…

J’ai eu sa fille comme catéchumène. L’an dernier, elle me disait combien elle regrettait l’église que nous avions entrevue alors, et qui avait disparu: Le bâtiment était là, son mari montait une crêche monumentale au moment de Noël, des articles dans les journaux la mettait en évidence, mais le pasteur de la région ne s’est jamais montré, et un seul conseiller de paroisse – voisin du temple – était venu « boire un verre » au milieu des dix mille visiteurs de la saison. Des nouvelles de son père ? Oui, quelques années après mon départ, il avait fait dix ans comme Président du Conseil de Paroisse ! Elle même avait milité comme membre de ce même conseil, mais l’avait finalement abandonné en me confiant en 2013 : « L’église que tu nous avais présentée, comme André Monnier, le pasteur des catéchêtes, a disparu, et ce qui reste n’offre aucun intérêt pour moi ! »

La première année, 1973, nous avons voulu célébrer la semaine de l’unité : Tâche impossible : Il n’y avait dans la paroisse qu’une famille catholique et deux couples mixtes, mais pas mixtes avec la paroisse.

L’année suivante, pendant l’été, j’avais rencontré à Vaumarcus un des « capucins rouges » de Romont, très engagés dans la théologie de la libération et dans le mouvement des petits paysans fribourgeois… où les protestants sont rares.

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Une église vivante en devenir

Nous convenons donc d’une fête œcuménique dans la plus grande église du Gros de Vaud (300 places) avec les capucins, intercommunion et partage des promesses de l’évangile pour les paysans qui ne souhaitent plus être exploités par les grandes coopératives. Un succès qui durera quelques années avec des contacts personnels entre exploitants agricoles.

En 1974 pour me conformer aux demandes institutionnelles je dois passer par la « consécration pastorale » qui sera célébrée au Centre Paroissial de la Jonction récemment inauguré, et proche de la Télévision en présence de représentants des églises genevoise, vaudoises, et de la télévision … Une étape administrative qui sera une sorte « d’assurance de moralité » … « Ah… et vous êtes aussi pasteur … » Dans le canton de Vaud, je suis « agrégé » après un examen complémentaire.

Encore dans le « gros de Vaud » nous organisons des festivals de musique religieuse moderne, folk et gospel. Les collègues de la région regardaient ces manifestations avec curiosité : « Toi tu peux le faire, t’es genevois, nous on aurait jamais pu ! ».

Deux événements vont changer encore mon parcours : Le « Conseil Synodal » me demande d’assurer, à quart temps la formation des laïcs engagés dans une expérience de Télévision locale dans l’ouest de Lausanne.

Le directeur du Camp Biblique Oecuménique de Vaumarcus me demande d’accompagner Jean Bernard Livio, jésuite et journaliste, dans un « Atelier Média » autour de l’histoire de Joseph… Camp Biblique, piété piétiste, très peu pour moi, mais le défi avec Livio, oui. 1974 première expérience… toujours actif en 2014 j’ai été contaminé. Mais je peux aussi dire que sans la communauté très large de cette organisation, je ne serai jamais resté pasteur.

La collaboration dans l’ouest de Lausanne me fait rencontrer Laurent Bosshardt, co-fondateur d’Amnesty en Suisse. Et pour assurer la formation aux Médias, nous nous associons au Centre Catholique de Radio-TV à Lausanne qui met son matériel vidéo, encore très rare à l’époque, à notre disposition. Nous créons l’Association « Communication Communautaire » service des églises catholiques et protestantes de formation aux Médias.

Les protestants mettent l’homme à disposition, les cathos le matériel, et grâce à André Babel, prêtre et directeur du CCRT, les fonds de l’Action de Carême pour développer l’infrastructure d’un studio de TV.

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André Babel, un frère dans le ministère

André Babel a été un compagnon, confrère, concélébrant, et avocat auprès de la Conférence des Evêques de Suisse pour me faire admettre à la concélébration, voir à la célébration de la cène pour les communautés catholiques en formation, si il n’y avait pas de prêtre à disposition. J’ai ultérieurement, en sa compagnie concélébré à la rencontre des évêques de France à Toulouse, en préparation d’une semaine internationale de Télévision.

En 1975, je suis invité à collaborer à la formation permanente et des stagiaires en homilétique filmant et décryptant les attitudes et manies des pasteurs de tous âges.

Le Conseil du Département Missionnaire me demande de prendre la place de Claude Molla, éditeur, au sein de l’association Internationale de journalisme Chrétien (WACC en anglais) section européenne, occasion de faire apparaître le nouveau média de TV locale dans l’organisation, j’y ai assumé la charge de trésorier au comité exécutif pendant 20 ans ! « Vocation » en tout cas appel à participer !

Nous avons organisé des festivals de TV à travers toutes les capitales européennes, des séminaires radio avec la conférence des Eglise d’Europe Latine, des stages de formation en Angleterre, Hollande France et Suisse.

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Pierre Babin,OMI

J’avais fait un stage, aux débuts des cycles de formation du CREC-AVEX « Centre de recherche et communication de la Foi » de Pierre Babin – autre rencontre exceptionnelle et fraternelle – à Lyon. La Fédération Luthérienne Mondiale était associée, et me demande d’être membre de son Conseil d’administration. C’est un organisme catholique, (Associé au CNRS) qui forme aussi des protestants à l’occasion, avec les fonds de « Miséréor » allemand et du Vatican. Ici encore la communion avec des collègues/confrères, comme ils disent, devient très importante : Les un(e)s ou les autres sont menacés au Chili, en Argentine, au Mexique pour leur soutien à la théologie de la libération. Nos échanges de courrier sont garants qu’ils ne peuvent pas disparaître sans que cela soit remarqué à l’étranger. Quand je voyageais, j’avais presque toujours un point de chute dans un couvent, une maison mère, une abbaye : Dominicains, Jésuites, frères des écoles chrétiennes, Paulistes, j’en passe et des meilleures, il y en a même où le café est bon !

Signis, l’organisation internationale des médias catholiques me tient toujours au courant de ses activités, et je suis maintenant invité à les rejoindre – à mes frais – pour leurs rencontres, les protestants eux m’ont oublié,et cela ne m’étonne pas : nous n’avons pas la même compréhension de l’appartenance à l’EGLISE.

Quand mon collègue L. Bosshardt d’Amnesty International me signale en 1978 que des travailleurs clandestins avec femmes et enfants sont dissimulés sur les chantiers des entreprises de notables des communes de l’ouest de Lausanne, nous en faisons un enregistrement vidéo … et cella tourne mal pour les deux téméraires :

Le nouveau Conseil Synodal agité par un membre d’extrême droite exige notre démission, n’y parvenant pas légalement – nous sommes dans une église d’état et dépendons directement du Dept. de l’enseignement et des cultes, le Conseil Synodal ne gère que les attributions de postes.

J’avais quelques semaines auparavant signalé que je ne pouvais plus assumer un 3/4 temps en paroisse, un mi-temps à la Télévision, et un quart temps de TV locale dans l’ouest de Lausanne, et une famille. Il fallait faire des choix institutionnels : Soit l’Eglise vaudoise me libérait d’un-mi temps en paroisse et me confiait un mi temps de formation aux médias – ou éventuellement un plein temps Média, ou je renoncerais à mon poste paroissial pour rejoindre Genève.

Entre temps j’avais déjà mis en évidence que si je devais replacer André Junod, il n’y aurait plus personne pour assurer la formation aux médias, et cela devenait urgent en considération des projets en cours en Suisse Romande

Tous les amis m’ont encouragés à rester dans la formation, du reste il convenait maintenant de nommer une femme pasteure comme réalisatrice de TV dans un mode d’homme, l’Eglise se devait d’être exemplaire.

Au printemps 1978, le Conseil Synodal Vaudois me confirme alors mon affectation à plein temps en paroisse, en sachant que je ne l’accepterait pas : J’informe le « permanent » de ma démission dans la nuit même

Etoile des Palettes

La chapelle était au 1er étage Étoile des Palettes

A 8h du matin, je reçois un téléphone d’une amie de la Paroisse de Lancy-Sud à Genève pour nous demander de remplacer un collègue qui change de paroisse. Dans nos rêves les plus délirants, en cas de retour à Genève, nous avions rêvé d’un ministère dans cette paroisse, fondée par des membres du COE. Les cultes ne ressemblaient à aucune forme « genevoise », on y chantait Pax Quartet et Akepsimas. Les prédications étaient en français et parfois en anglais, il n’y avait pas de « conseil » mais un groupe d’animation où tout le monde était invité : Nous retrouvions là l’ambiance que nous avions connue aux USA, où on vient à l’église pour son plaisir, retrouver des amis, et éventuellement passer la journée avec eux. Nous avons été engagés en couple, chacun à demi salaire. « Vocation » ou circonstances fortuites ?

Nous occupons un poste pastoral à mi salaires avec mon épouse : Nous préservions de ce fait notre liberté – illusion – à mi-temps pour nos enfants et nos projets de communication. Je ne voulais pas que les autorités ecclésiastiques genevoises me reprochent de distraire de mon cahier des charges pastoral du temps pour développer ce qui me paraissait essentiel de poursuivre : Le développement des nouveaux moyens de communication, radio-TV en particulier – on ne parlait pas encore d’Internet – pour la promotion du « royaume de Dieu », de la « Bonne Nouvelle » , bref de l’éthique des « dix paroles » d’une manière différente de celle qui avait cours le dimanche matin.

En 1979, six mois après notre arrivée, je suis élu au Consistoire de l’Eglise en vue de développer les médias alternatifs. Deux ans plus tard nous lançons l’idée d’une radio locale chrétienne qui verra le jour en 85 sous le nom de Radio-Cité et qui sera « tuée » par ces mêmes institutions en 2008, sous prétexte que cela ne ramène personne dans les paroisses… J’y ai tenu une émission hebdomadaire de 50 minutes pendant 20 ans, j’avais entre 4 et 6000 auditeurs…jamais aucun de mes collègues n’en auront autant un dimanche matin, ni moi non plus, mais on ne peut rien contre les responsables qui n’écoutent pas leur radio ( que j’ai souvent qualifiée de la pire radio sur le plan technique et avec d’autres journalistes genevois, la meilleure au point de vue contenu !)

Genève me confirme – cela ne lui coûtait rien qu’une ligne dans un procès verbal – dans mes responsabilités au sein de l’équipe de travail de la Télévision, de l’Association Internationale WACC, et de Communication Communautaire avec un Studio de formation aux Avanchets, un grand ensemble nouvellement construit avec un Centre Œcuménique dans lequel nous occupons un vaste sous sol aménagé par les catholiques de l’Action de Carême et le don d’un banquier privé.

Jean-Marc Chappuis, vice président de Communication-Communautaire et prof de théologie pratique me suggère de préparer un doctorat, avec lui et en collaboration avec l’université catholique de Lyon et Mgr Bourgeois, sur un projet Média. Je suis également engagé six mois à mi-temps comme assistant à l’université, pour des sessions de formation aux médias, destinées aux théologiens. Encore une fois « vocation » ???

A la mort du Prof. Chappuis, Mgr Bourgeois me propose de continuer à Lyon, mais pourquoi faire un doctorat qui n’intéresse personne en Suisse, ni les églises, ni les facultés, qui reprennent avec délice la liturgie de Calvin comme modèle de LA célébration réformée !

Marc Jurt

Marc Jurt, graveur et enseignant

Pour me changer les idées je m’inscris aux cours de gravure du collège voisin, auprès de Marc Jurt, graveur et illustrateur des œuvres de Michel Butor entre autres.

Changement de paroisse pour incompatibilité d’humeur entre notre couple (Line et moi) travaillant sur un plein temps et un collègues à plein temps travaillant en fait à mi temps !

Pour décompresser, je suis photographe d’une agence catholique de presse, et lors d’une manifestation « Chrétiens pour l’an 2000 » organisée à Palexpo, au petit matin, un bras entoure mon épaule : C’est Mgr Pierre Mamie, évêque du Diocèse, qui me dit « Je sais ce que tu traverses, je prie pour toi ». Le responsable des ministères de mon église ne m’a jamais dit ça !

Temple jour

Le temple des Pâquis

Les autorités ne souhaitent plus nous voir partager un poste à deux, parce que « nous sommes trop forts » vis à vis des collègues. Je suis affecté dans une autre paroisse aux Pâquis, dans le quartier des hôtels et de la nuit. Comme je m’y ennuie ferme, malgré une communauté de fidèles très traditionnels, j’imagine et présente le développement d’un projet d’église urbaine ouverte sur les internationaux, résidents temporairement à Genève que nous avions régulièrement au culte le dimanche, tous les 4-6 mois, donc plus régulièrement que les genevois ! C’est aussi un projet culturel avec le Conservatoire Populaire de Musique. Une donatrice nous promet de nous soutenir, « pour que l’Eglise redevienne mécène des arts ».

Le projet architectural audacieux est enfin accepté par les autorités cantonales le 12 décembre 1993 . Le 13, coup de théâtre : Il manque les fonds nécessaire au fonctionnement de la première année, dissimulés au dernier moment par un ancien président de paroisse nonagénaire qui avait gardé la signature sur un compte bancaire de la paroisse « au cas où ! » Il ne voulait pas que sa paroisse change, le projet capote. « Révocation » ?

CPJ depuis la rue hiver

Le Centre de La Jonction Lieu de ma « consécration »

En 1994 Je suis envoyé (toujours à mi-temps) à La Jonction, dans une paroisse vouée à la fermeture, sauf si je réussi à la faire revivre avec un projet plus modeste que dans la paroisse précédente.

Nous reprenons avec le conservatoire, des concerts et des animations pour les enfants, le théâtre du Guignolu adapté de celui de Lyon, et un atelier de gravure : Mes maîtres ayant suggéré que j’ouvre un atelier, puisque je pouvais en avoir les moyens avec les dons de la « dame » qui avait exigé que son financement du projet des Pâquis me suive.

Nous entreprenons la restauration du bâtiment et des aménagements intérieurs du Centre Paroissial de la Jonction. La charge devenant trop importante à mi-temps, la fonction « paroissiale est regroupée avec la paroisse voisine (500m) et je reçois la responsabilité d’un ministère d’animation du Centre Paroissial de la Jonction (CPJ) avec un budget spécial sur trois ans.

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Robe pastorale noire ou blanche peu m’importe !

Les concerts sont bien suivis, les activités modestes, mais pas plus qu’ailleurs, la fréquentation des marginaux de l’église en constante augmentation, y compris des collègues qui viennent, et prennent un café avant de se rendre dans des bureaux des autres occupants du Centre (Mission, Jeunesse et Culture). C’est un lieu d’échange et de partage sur ce qu’est l’Eglise en fait : On nous pose la question « l’église sert à quoi ? » « à répondre à votre demande ! »

Les « chers » collègues de la région tentent d’organiser des concerts au même moments, de proposer des animations concurrentes, et se demandent ce qui justifie un budget spécial pour une activité qui ne se réclame pas directement de l’Eglise.

Une commission est nommée et une pasteure pleine de certitudes me demande si ce que je fais est « vraiment un travail pastoral ». Si ma réponse est catégoriquement « oui » la commission décrète que « non »

Les avanchets

Centre Œcuménique aux Avanchets

 

Nouvelle affectation « Vocation » si vous voulez.

Une nouvelle fois « viré » aux Avanchets en 2001, dans une paroisse suburbaine où j’avais eu mon studio de TV, fermé par manque d’intérêt et de moyens des Eglises, mais aussi à cause du développement des techniques vidéo grand public. Je me promet de ne rien tenter de nouveau !

Je trouve en Pascal Mercier, prêtre, un collègue qui me demande de le remplacer pour les messes hebdomadaires en semaine, en cas d’absence…

Mais il fallait aussi trouver un lieu pour l’Atelier de gravure.

Les autorités ecclésiastiques un peu penaudes après les rapports de la commission et la décision du Consistoire parviennent à convaincre la paroisse de Châtelaine de mettre des locaux à disposition, puisque les « Dames de la Couture » ne s’y réunissent qu’une fois par année depuis … qu’elles ne font plus de couture.

Panoparoisse

L’atelier est dans le bâtiment de droite

Le local est mis aux normes, adduction d’eau et d’électricité, et l’atelier s’y développe avec sérénité à voir sur le site.

Dernier soubresaut : En 2004 pour cause économique, il faut mettre à la retraite anticipée ou licencier une quinzaine de ministres…Je reçois cette « vocation » comme une délivrance après qu’elle m’eut été présentée comme un sérieux affaiblissement de nos revenus… ce qui ne fut pas le cas, à notre surprise : Les banquiers genevois ayant été généreux, avec le plan de compensation des retraites anticipées, à condition d’un redressement budgétaire global de l’Eglise de Genève.

Dernière invention en 2011: Les terrains autour du Centre Paroissial sont susceptibles de permettre la construction de logements. L’église ne peut pas se permettre de conserver pour elle une ressource qui manque cruellement à la collectivité genevoise. Le voisin décide de vendre sa parcelle, c’est l’occasion de réactiver un ancien projet.

J’ai quelque contacts de mes diverses « vocations », je me met à disposition de la paroisse comme « locataire prioritaire de l’Atelier » et c’est mon passé de dessinateur en bâtiment qui est revisité pour un nouveau projet développé sans l’aide des autorités ecclésiastiques centrales, qui se sont avérées d’une maladresse immobilière particulièrement crasse ces dernières années. Non seulement notre projet ne coûtera rien à la paroisse mais rapportera largement de quoi couvrir les frais d’entretien de ses locaux, ceux de ses activités, et permettra une contribution substantielle au budget général de l’institution cantonale…

Mais savez-vous qui est le mandataire qui permettra peut-être le développement de ce projet ?

Le président d’une église libre genevoise particulièrement fondamentaliste, et directeur d’une des plus grande agence immobilière, pour les syndicats, les caisses de retraite et les coopératives d’habitation.

Les grosses régies immobilières traditionnellement protestantes ont toutes décliné le projet, irréalisable pour leurs marges de profit : Il n’y a pas que des vocations de service dans le protestantisme !

5 Conclusion (en automne 2014)

Il y a encore eu de nombreuses rencontres plus intimes et pastorales qui ont enrichi mes ressources pour raconter ce que devient la « Bonne Nouvelle » surtout quand elle est « bonne ».

L’expérience familiale avec nos enfants, la communauté des graveurs, la convivialité continue avec les amis qui nous ont accompagnés.

J’ai eu le privilège d’être accepté chez mes amis prêtres sans objection dogmatique,

comme célébrant dans des communautés féminines, ou des paroisses où le prêtre me demandait de le remplacer : Je n’ai cependant jamais envisagé de changer de bergerie, mes amis prêtre sont plus « réformés » que bien des collègues !

J’ai toujours eu du plaisir à découvrir, faire et transmettre ce que j’avais découvert.

J’ai certainement été pasteur, dans le meilleur sens du terme, attentif aux paroissiens et à leurs demandes, accompagnant les endeuillés, les malades, les marginaux de la foi. J’ai été aumônier de diverses maisons de retraites où j’ai écouté des « histoires humaines » qui ont nourri mon imagination et suscité des sujets d’émissions de radio.

J’ai essayé d’éveiller mes paroissiens à une autre forme d’église, où on aime se retrouver, pour faire quelque chose ensemble, et éventuellement à célébrer non pas comme une fin en soi, mais comme la reconnaissance mutuelle de notre plaisir à partager notre espérance.

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La gravure au Camp Biblique Oecuménique de Vaumarcus

Je suis encore pasteur/théologien dans l’animation du Camp Oecuménique de Vaumarcus, visage de cette « nouvelle église » à laquelle je crois.

Alors « vocation » ou trace de Dieu dans ces rencontres ?

Avec « Joséphine Ange Gardien » * la « vocation » tiendrait d’un acte magique « de là haut », comme l’exprime malicieusement Mimi Mathy, et encore beaucoup de nos contemporains ne sont pas loin de croire que Dieu est au bout du fil. Comme le montrait Robert Hossein à Lourdes dans un spectacle un peu kitch.

Comme un intervenant dans un récent débat public à Genève, au Temple de la Fusterie: je dirai que pour moi, Dieu n’existe pas comme existe une tarte à la crème… et quand on lui demande son nom, on raconte qu’une voix répond

« tu diras « je suis » / « Je vais » « debout /pour avec/ en toi ».

Pour le reste il n’a pas de téléphone portable,

ni de projet pour qui que ce soit.

Si nous sommes sensibles à une trace,

comme dans le pain partagé,

et capables de dire « Je suis »

nous sommes libres de choisir une route,

et d’en changer à l’occasion.