l’histoire de Joseph Une (violente) actualité de rêve
La crise, ce sont les vaches maigres après les vaches grasses qu’ont été les « trente glorieuses » … et tous les gouvernements cherchent le «Joseph » providentiel qui prendra la tête du pays, du FMI, de la Banque Mondiale ou du secrétariat général de l’ONU.
Chaque candidat à l’élection dans l’une de ces institutions a rêvé en se rasant de se voir l’élu du peuple, donc de dieu, faute de pharaon, à moins que…
Dieu convoque les candidats aux gouvernements les plus connus : François Fillon, Alexis Tsipras et Donald Trump. Dieu demande à chacun le fonds de sa pensée :
François Fillon : Je veux redonner le sens du devoir et du travail, de la rigueur budgétaire à la France.
Bien, bon et fidèle serviteur : François, viens siéger à ma droite…
Alexis Tsipras : Je veux rendre la Grèce vivable pour ses habitants, avec plus de justice sociale, et des revenus favorables à un développement durable sans corruption.
Bien, bon et fidèle serviteur : Alexis, viens siéger à ma gauche…
Donald Trump : Je pense que vous êtes assis à ma place !
L’idée du sauveur providentiel traverse l’histoire avec une insistance qui transcende les culture, puisqu’on la trouve dans les destinées de diverses grandes figures politiques, sociales, culturelles. le pharaon Aménophis 4 Akhenaton (parfois identifié avec Joseph) qui voulut introduire le « Soleil » Dieu suprême à la place de tous les autres, et de leurs clergés qui accaparaient les richesses du pays. Moïse le leader du peuple de la Terre Promise, héritier direct de Joseph. Néron qui se prenait pour Dieu soi- même, à la suite de César qui de premier Consul devint empereur et donna son nom au titre.
Les souverains de droit divin, Rois providentiels ou de circonstance Hugues Capet, Charlemagne, Charles Quint, sans oublier quelques papes de Rome ou d’Avignon.
Les hagiographes ont eu à cœur de démontrer leur providentielle qualité d’inspiration divine, dont ils ont eu rarement à témoigner eux mêmes, car ce n’était pas encore « trendy » d’écrire « ce qu’un président ne devrait pas dire » .
C’est sans aucun doute la relation rêve-destinée qui est le plus souvent associée à la référence du Joseph « fils de Jacob » quand on considère les destins politiques des « Grands de ce Monde ». Le contrôle de l’économie et des personnes qui en dépendent, avec les bénéfices qui reviennent naturellement au leader, sont au cœur de l’aspiration au « pouvoir » de tous les « candidats ».
Il n’est pas nécessaire de revenir sur toutes les identifications messianiques que les génies du christianisme ont imputées au fils de Jacob, d’Abraham à David.
D’une certaine manière la politique israélienne se comprend aussi sous cet éclairage : Le Joseph des temps moderne : Théodore Herzl d’abord opposé à l’existence d’un refuge Juif en Palestine, il sera considéré comme le « grand-Père » d’Israël en imaginant un peuplement de la région sous un idéal démocratique et sans exclusion religieuse ou ethnique.
Le modèle Politique et la philosophie.
Très tôt la perception « josephique » de l’organisation de la société s’insinua dans les principes de l’organisation et de la philosophie : Flavius Josèphe, général romain et cependant juif et philosophe contemporain de Jésus et Caligula s’en inspire pour écrire « de Josepho », précurseur de Philon d’Alexandrie qui y puisera son idée de tolérance universelle entre les hommes égaux en droit.
Philon nous place au cœur des problèmes de l’unité et de la division politiques et spirituelles, car, avec Joseph, le politique est pensé à partir du statut d’étranger résident. La politique josephique, intermédiaire entre une intelligence politique et une intelligence prophétique, représente alors le Logos médiateur, la vie du sage obligé de résider en ce monde en étranger, obligé de participer à la vie politique pour l’élever, pour l’éclairer par l’intellect, pour interpréter les rêves éveillés des hommes engourdis dans le monde sensible.
Thomas More, est célèbre pour son texte fondamental, « L’Utopie« , dans lequel il dénonce la tyrannie du système politique. Il est l’un des plus proches de la destinée de « Joseph » par l’exercice de ses fonctions.
Sous le règne du roi Henri VII, il devient membre du parlement en 1504 et s’insurge contre ses exactions. Sous le règne d’Henri VIII, il connaît une prodigieuse carrière politique. Au service du roi comme maître des requêtes en 1514, il devient membre du conseil privé du roi en 1518. Il est aussi chargé de faire du commerce en Flandre, en 1515. Dans « L’Utopie », parue en 1516. Il met en scène une société parfaite et dénonce à travers elle la corruption et les aberrations du système anglais, et les injustices envers les plus démunis.
Calvin, juriste avant d’être pasteur (théologien?) s’en inspire pour organiser la Cité de Genève. Il voit Joseph comme « droit interprète de la providence de Dieu » un thème repris par Grotius, auteur dramatique Hollandais et calviniste qui met en scène ce qui lui semble le plus important : La réconciliation des diverses tendances et orientations attribuées aux frères de Joseph, comme modèle de la nécessité d’unité de la société des Pays Bas en 1635.
Exilé en France, Grotius devient conseiller de Richelieu qui n’eut de cesse d’organiser le pouvoir centralisé du Royaume de France qui perdure aujourd’hui.
Dans la première moitié du XIXe siècle Charles Fourier critique la civilisation de son temps. Au cœur de sa pensée on trouve par exemple : le travail « attrayant », l’éducation attentive à chacun, la liberté sexuelle, l’émancipation des femmes.
Etant donné que les bonnes idées ne tombent pas du ciel » comme la Jérusalem céleste, mieux vaut essayer de réaliser son rêve :
En développant l’idée du « Phalanstère » , Fourier affirme que « dans le cas où ce mécanisme serait praticable et démontré par une épreuve sur un village, il est certain que l’ordre civilisé ou morcellement serait abandonné à l’instant pour le régime sociétaire ».
L’histoire de Joseph est encore en arrière plan du destin de Napoléon Bonaparte Parvenu au pouvoir en 1799, par un coup d’état. Premier consul jusqu’au 2 août 1802, Consul à vie jusqu’au 18 mai 1804, où il est proclamé empereur par un sénatus-consulte suivi d’un plébiscite. Il est sacré empereur, le 2 décembre 1804, par (plutôt contre) le pape Pie VII. Joseph est le modèle de cet homme parti modestement (pas tellement : S’il n’est pas fils de patriarche, il l’est de patricien corse) il parvient par « élection » aux plus hautes fonctions qu’il voudra « de droit divin ». Il organisera la société grâce à ses victoires qui lui permettent d’annexer à la France de vastes territoires et de gouverner la majeure partie de l‘Europe Continentale, laissant partout des lois et des codes qui régissent encore au 21e siècle bon nombre de nos comportements juridiques.
La pensée sociale et politique après la Révolution
Pour Saint-Simon, Dieu est en quelque sorte remplacé par la gravitation universelle. Cette thèse est inspirée par Newton et sa pomme. La doctrine qui en découle s’appuie sur la notion de réseau et de capacité. La relation entre les êtres humains dépend de la capacité du réseau à établir le lien. Elle procède par métaphore avec les réseaux organiques humains (réseau sanguin, système nerveux…), selon les idées en vogue en physiologie de cette époque. Les connaissances des uns sont utiles aux autres.
Si « la famille de Joseph » n’est pas explicitement présente, elle subsiste dans l’organisation de la (sur)vie de la famille. Saint-Simon est à l’origine de la philosophie des réseaux sociaux selon Pierre Musso.
Pierre-Joseph Proudhon est autodidacte, penseur du socialisme libertaire non étatique, partisan du mutualisme et du fédéralisme, précurseur de l’anarchisme. Il est le seul théoricien révolutionnaire du 19e siècle à être issu du milieu ouvrier. Dès1840 il proclame que « La liberté est anarchie, parce qu’elle n’admet pas le gouvernement de la volonté, mais seulement l’autorité de la loi, c’est-à-dire de la nécessité ». Hasard ou nécessité : c’est la « main de Dieu » qui pousse « Solar Impulse » et fait de vous des êtres libres.
Lui peut être identifié au Joseph législateur de l’Egypte.
La Révolution est en marche.
La réflexion sur l’organisation de la société sera au cœur de l’œuvre de Friedrich Engels et son ami Karl.H.Marx auteurs du « Capital » Il sont connus pour leur (immaculée ?) conception matérialiste de l’histoire, leur description des rouages du capitalisme et pour leur activité révolutionnaire au sein du mouvement ouvrier.
La référence au processus d’accès au pouvoir de Joseph n’est pas seulement un héritage religieux, juif ou luthérien, mais un bon exemple que ce qui s’impose par la situation économique devient une nécessité politique : Fidel Castro à Cuba en était encore récemment l’exemple le plus pertinent … bien que démocratiquement douteux !
Il faut bien quelqu’un pour organiser les récoltes dans les greniers qui seront ouverts à tous.
Repenser le monde, après la guerre de 14-18
En 2013 Laurent Piétra écrit :Thomas Mann est celui qui a récrit l’histoire de Joseph pour déraciner le mal de son temps, pour lever les accusations mensongères, dénoncer les persécutions dans une “Fête de la narration” . Le joséphisme hermétique de Mann, le “jeu” avec le texte biblique , pourraient rendre la leçon politique difficile à tirer; la politique de Thomas Mann n’est pas un commandement; elle est de l’ordre du conseil. Il faut ainsi retenir l’exigence spirituelle de Mann qui favorisait l’acceptation de la plus grande diversité spirituelle, le refus de toute exclusion, qui redonnait au judaïsme une place essentielle dans la conscience européenne et occidentale: Cette exigence spirituelle, qui était aussi ironie, transforma le jeune auteur réactionnaire en soutien de la démocratie sociale et de F. D. Roosevelt, nommément identifié à Joseph, dans une union politique face à ceux qu’il appelait “les partisans de la bassesse” . Roosevelt instituait la sécurité sociale, un ministère du travail et celui de l’Agriculture, destinés à réguler l’économie devenue cahotique après l’effondrement boursier de 1929.
Avec « Joseph et ses frères », T.Mann traçait la figure d’un christianisme universel, laïcisé, réfractant toutes les aspirations religieuses qui délivrent du mal, de l’exclusion de l’autre homme.
Joseph le rêveur rêvélé par ses rêves au 20e siècle
A l’autre extrémité de l’identification des exemples précédents qui ont été inspirés par la destinée politique du personnage, c’est certainement Sigmund Freud qui (s’)est le plus clairement identifié à l’histoire de Joseph pour l’interprétation des rêves. Pour Freud, les rêves contiennent les prémisses d’une destinée, réalisable ou souhaitée. Les rêves sont révélateurs des missions inaccomplies et des échecs programmés, comme des pulsions qui induisent des comportement parfois adaptés, parfois incongrus, ou franchement déviants. Le rêve d’Adolphe Hitler le peintre d’aquarelles autrichien, ou celui de Charles de Gaulle conduisent à des prises de pouvoirs aux conséquences bien différentes.
Si la première identification de Freud dans L’Interprétation des rêves : se référait à Joseph, le fils de Jacob et de Rachel, le ministre et l’interprète des rêves du pharaon –il reviendra à une identification finale à Moïse. Il faudrait parler d’un cheminement « de Moïse à Joseph », puisque l’identité juive dont Moïse avait jeté les bases s’est épanouie parmi les nations auxquelles les Juifs modernes et contemporains se sont assimilés.
Pour résumer :
L’histoire de Joseph est un concentré symbolique de l’histoire, de la politique, et de la culture qui inspire le monde de manière moins « évidente » que Machiavel ou Nostradamus pour le commun des mortels. Son histoire est parallèle à ces récits de « Génies de Garages » qui dominent le monde avec leurs inventions ou comme celle d’Alexandre le Grand qui développa son Empire du royaume marginal de Macédoine jusqu’aux confins de la Chine.
Voir de Jeanne d’Arc, l’improbable pucelle préférée d’un roi à qui elle rend son Royaume. (Il n’y a que des « mères » dans le récit de Joseph !)
La saga de Joseph inspire plus généralement les « politiques de Gauche » et le mouvement socialiste avec ce que cela implique dans l’organisation de la société. Elle permet une interprétation des politiques développées par les grandes institutions internationales en vue d’un partage plus équitable des ressources de la planète. C’est moins « clivant » que la référence au Marxisme…
Le rêve des retrouvailles familiales est derrière le « Forum économique de Davos » comme il l’a été chez Grotius dans les provinces hollandaises du 16e siècle.
Mais la personne de Joseph inspire aussi les politiciens de droite, favorables à un pouvoir fort, qui dictent les conditions de l’économie et choisissent le renard pour surveiller le poulailler. ou justifient un libéralisme prédateur.
De toute évidence Joseph comme figure messianique inspire les rédacteurs bibliques du second testament, en incluant les songes dans les scénarios de la nativité. « Qu’ils soient un … pour que le monde croie » va inspirer les rêves d’unité d’une église en voie de dislocation dès le 1er siècle jusqu’à l’avènement du Conseil Œcuménique, qui attend encore son « Joseph » malgré l’Abbé Paul Couturier qui attend de son côté que Jésus veuille bien la réaliser.
Joseph est encore derrière les rencontres d’Assises qui réunissent les religieux de toutes les dénominations (qui les tolèrent) en vue d’une spiritualité convergente vers un « Royaume de Dieu » dont on se garde bien de l’appeler par un « nom » … si cela vous dit quelque chose : YHWH ne se dit pas !