Jésus veut-il nous faire adopter un « Dieu Père » ?

P1010882DIEU PERE  mais aussi toutes les citations où il est identifié comme roi bienveillant, père de famille recevant un fils perdu, berger, vigneron, ou encore Aigle qui porte ses petits, voir les couve sous son aile.Juge impitoyable ou magnanime même avec les plus coupables.

Thomas Römer vient de publier un livre sur l’origine de Yhwh * qui en retrace les représentations et les alliances ethniques. J’avais souligné qu’il est difficile anthropologiquement de sortir du schéma traditionnel qui matérialise le divin sous formes diverses d’idole ou de symbole : rocher, site, montagne, mais aussi tables de la loi, Arche de l’alliance, veau d’or etc.

J’ai signalé dans mon texte sur l’origine de la « voix du Buisson » que l’idée fondamentale était de sortir de la conception matérielle de la divinité pour une référence moins « encombrante » et utilisable sans limite de temps et d’espace.

Comme c’est une voix qui parle du « buisson » et que nous l’avons assimilé à celle de la divinité quelle qu’elle soit, nous faisons vite le rapport avec un locuteur qui a des cordes vocales (enfin quelque chose du genre) dont nous arrivons très vite à une représentation anthropomorphique: Dieu est une « personne » douée de sentiments et capable de jugements « à mains forte et à bras étendus ».

De là à envisager un vieillard barbu (le symbole de l’immortalité dans l’éternité qui dure très longtemps) il n’y même pas un pas que des milliers d’artistes ont fait sans vergogne.

Ceux qui me connaissent depuis longtemps ont entendu aussi cette anecdote que j’ai racontée en revenant d’un voyage en Israël avec les membres de la pastorale Suisse en formation continue:
Un pasteur un peu fondamentaliste – un euphémisme – et cependant titulaire de la Chaire de la Cathédrale de Lausanne demandait à un rabbin quelle était sa théologie ?

Le rabbin à la limite furieux répondit « Il n’y a pas de théologie, il n’y a pas de discours pertinent sur Dieu, car Dieu n’est pas réductible à nos mots, concepts, images ou principes… Il y a des discours d’humains sur leur rapport à Dieu, leurs idées par rapport à la divinité, leur aventure en sa compagnie, comme la Bible l’atteste…

Ce qui nous intéresse ici est ce que les croyants ont réussi à accomplir en accueillant un message qui est universel, quel qu’en soit la référence tutélaire. Jésus de Nazareth l’a sans doute le mieux exprimé dans ce que nous en rapportent les Evangiles.

Donc je reviens à la question initiale suggérée par la lecture de l’Evangile de Jean, et sa manière de citer les « JESUIS » de Jésus: « Celui qui m’a vu a vu le Père » exprime le rapport à Dieu comme un père, ne dit rien de Dieu, mais tout des sentiments qu’éprouvent ses « enfants ».

Dieu Juge ne dit rien de dieu, mais tout de celui qui se perçoit comme comparaissant devant celui qui l’invite à reformuler sa vie.

Le Dieu Berger, exprime le sentiment ou la situation des brebis (99 ou celle qui est perdue).

De même Dieu-Cep dit quelque chose des sarments, mais ne qualifie pas dieu..

« Celui qui M’a vu a vu le Père » dit Jésus, cela concerne celui qui voit … pas le père … et donne une indication sur le comportement qu’il convient d’avoir en considérant ce qui « vient du Père » etc…

Il en va de même certainement avec la « personne de Jésus » qui est souvent identifié comme tout autre, ailleurs et différent, alors qu’il nous rappelle que celui qui visite le prisonnier donne du pain à celui qui a faim le fait à Jésus lui même…

L’essentiel est dans l’acte, pas dans l’identification.

Jésus /le chemin , Jésus/la porte, Jésus/la vérité, Jésus/la résurrection provoque une réaction personnelle de celui/celle qui est confronté/e à ces « Images »

Cela dit quelque chose de nous et c’est vraiment stimulant. C’est le sens que l’évangéliste met en évidence dans ces références qui est motivant :

Je suis (verbe suivre) le chemin, je franchi la porte, je témoigne de la vérité, je survit à ma « mort » en référence à ce qui m’a été transmis par la tradition biblique.

Il y a encore à creuser pour dire quelque choses de pertinent… Dieu y retrouvera les siens , mais IL est imprononçable… 

Parti sans laisser d'adresse

* Thomas Römer

L’invention de Dieu, Seuil, 2014 352p.

Article dans « LE TEMPS » samedi 29 mars 2014. p.42-43.