La vocation de Samuel dans son contexte

Implication pratique de la lecture de la bible

comme témoignage d’expériences vécues.

Dans mon article avec une proposition d’interprétation du mot « dieu » j’ai essayé d’examiner les besoins des populations qui ont porté ces textes jusqu’à nos jours, en les situant dans leurs contextes historiques et culturels.

En préparant le thème de la « Vocation de Samuel » pour le camp Biblique Œcuménique 2019 à Vaumarcus, nous abordons plus spécifiquement les « livres historiques » qui racontent les situations vécues par le peuple hébreu depuis « les Prophètes » jusqu’à la fin de la Royauté.

Le texte est assemblé entre le 5e et le 4e siècle, sur la base des traditions orales, des récits attachés aux sanctuaires et aux tribus qui ont formé un ensemble pas très homogène, mais linguistiquement proche.

« Les livres historiques » Josué, Juges Samuel et Rois sont utiles à la fin de la royauté, quand les Perses vont régir l’administration de la région, et Jérusalem devient le « centre spirituel » des Hébreux, héritiers des nomades vivant entre la Syrie et l’Egypte.

L’intérêt de ces « histoires » c’est leur vertu pédagogique : Elles paraissent au moment où, dit-on, le peuple juif se recompose et réorganise le culte du Temple.

Les histoires de l’Arche de l’Alliance évoquent le passé lointain du nomadisme qui ne se pratique plus. Les territoires ont été partagés entre les « familles » devenues « tribus ». Son contenu même a quitté les « tables de la Loi » pour entrer dans les « paroles » dont on fait mémoire.

Il est question des « sages-juges » d’autrefois, plus modestes que les rois contemporains. Il est question des « Rois d’Israël et de Juda » à commencer par Saül, David et Salomon dont le modèle culturel sera les Omrides qui lui succéderont deux siècles plus tard. Les rois ne sont que des hommes avec leurs qualités et leurs défauts, les « combats des chefs » ont servi à répartir les territoires. Tout cela, c’est du passé, il faut regarder vers l’avenir.

Une des grandes figures de ce passé est le « Juge-Prophète » Samuel que nous allons suivre dans le premier livre qui porte son nom.

1 Samuel 1 : 1-19

« Dis Maman, pourquoi les rois ne sont pas des Superhéros ? »

Cela pourrait être la question que se posait un enfant d »Hébron au 5e siècle av JC, alors qu’il n’y avait plus de roi depuis -586…

Et son père aurait pu répondre « il était une fois à l’époque des Juges un saint homme au sanctuaire de Silo (…) qui finalement a consacré Saül le premier roi : Le saint homme s’appelait Samuel et il était un grand prophète… »

« Oui mais il venait d’où, et comment savait-on qu’il était un « prophète » ? »

« Je vais te raconter son histoire et sa naissance … » Et pour répondre à la demande avec pertinence, le narrateur va faire appel à ce qui répond le mieux à l’attente de ses auditeurs, à savoir aux récits mythologiques de naissance des « grandes figures symboliques » connues de la culture de l’époque. Le pharaon naît d’une vierge et de Dieu (Le pharaon précédent) La plupart des héros grecs sont dès leur naissance des personnages extraordinaires. Ils sont soit enfants d’un dieu et d’une mortelle comme Héraclès ou Achille, soit enfants d’un roi, comme ou Thésée. Le récit de la naissance de Moïse ressemble de près à la légende de la naissance de Sargon, roi légendaire, fondateur de l’Empire Assyrien. Certes, le thème de l’enfant exposé et miraculeusement sauvé est largement répandu dans le folklore (Romulus et Remus, Cyrus, Horus…); par exemple, le récit de la naissance de Sargon ressemble à celle de Moïse, sans oublier la naissance des fils d’Abraham dont la mère Sarah était stérile, et celle de Jésus de Nazareth, tous nés grâce à Dieu.

Encore faut-il le prouver: Les « gardiens de la religion » se méfient des personnes inspirée par des breuvages inappropriés… ou par des idées qui les mettent en défaut.

1 Samuel 1:20-28

Il est de première importance de souligner la légitimité de Samuel en en faisant un « élu » ou un

enfant né de l’intervention et porteur de l’inspiration divine. Il sera le garant et traducteur de cette volonté. En 587 Nebucadnetzar s’empare de Jérusalem et fait du Royaume de Juda une province de Babylone. Le temple est profané, on y célèbre des « dieux étrangers » comme autrefois dans le royaume de Samarie, et c’est la justification des défaites des héritiers de Moïse.

Pour éviter ça il faut respecter les rituels, les offrandes et holocaustes requis. Cela concerne en particulier les officiants des lieux saints qui se doivent d’être irréprochables, ce qui, à l’époque, était loin d’être le cas : Pour officier légalement, il fallait être formé et accrédité par le clergé local et par le pouvoir occupant. Le slalom spirituel devait être un sport éminemment stimulant intellectuellement et moralement. Si la tradition est respectée, si les responsables « consacrés » ne cèdent pas à la corruption, Dieu sauvera son peuple, comme il l’a déjà fait si souvent. Les fidèles (de l’époque) en sont la preuve. (« Let’s Israël be great again » Un argument qui ne trump pas !).

Si Samuel est obéissant, il sera le messager (du) divin.

1 Samuel 2 évoque les histoires connues : Quand le maître des lieux, Eli, ne contrôle pas ses enfants,et qu’ils se livrent à la corruption, à l’extorsion de fonds, et au détournement de biens sociaux, le châtiment divin s’abattra sur eux. La seule chance d’en sortir est la restauration de la loi et de l’ordre avec un nouveau gardien du temple.

En 538 Cyrus autorise le retour des juifs à Jérusalem et en 432 Esdras viendra rétablir la « LOI » au Temple de Jérusalem.

1 Samuel 3 : 1 – 4:1,

L’appel de Samuel est un récit obligé de tous les catéchismes : Un enfant appelé par Dieu, il y a de quoi faire rêver une grand-maman qui le voit déjà officier le dimanche matin !

Dieu appelle, ce n’est pas le gardien du Temple, héritier d’une dynastie corrompue. Non l’appel vient d’ « ailleurs ». Il vient de la souffrance du peuple qui patiente et subis les pressions de l’occupant et les méfaits de la corruption qui l’accompagne hier comme aujourd’hui. Samuel est appelé à faire le ménage à Silo, et ce ne sera pas sans crainte des représailles. Mais Eli est un brave prophète qui ne se fait pas d’illusion sur ses fils. Les Assyriens et les Babyloniens ont quelque peu dégradé les fonctions sacerdotales, même à Jérusalem. Les autres lieux saints sont disqualifiés pour cause de profanations – y compris Silo – Le Temple de Jérusalem pourrait un jour abriter l’Arche de l’Alliance (Ah bon, il n’y a que les grands prêtres qui le disent !). C’est la chance d’une restauration : C’est Dieu qui le veut, c’est raconté là, dans l’histoire de Samuel : On va y arriver : Il faut respecter les dix paroles des « Tables de la Loi » et c’est inscrit dans l’ADN du peuple, et le peuple ne se trompe jamais quand il se réfère à Dieu…

(Concept assez dangereux, hier comme aujourd’hui, d’où l’intérêt d’un tel livre.)

1 Samuel 4 et 5: Le châtiment de la dynastie d’Eli et les tribulations infligées par les Philistins

Avec ou sans la « Caisse de l’Alliance » le peuple s’est fait bousculer du Nord au Sud, c’est de notoriété historique et mémorielle. Les collines arides de Juda ont servi de refuge. La Samarie au Nord a été convoitée par les Égyptiens, puis par les Philistins dès le 11e siècle. Ils visaient ses ressources agricoles qui transitaient par les ports de la Méditerranée. Les Assyriens et les Babyloniens s’en sont mêlés avec la collaboration des tribus jalouses de la région. Les noms de lieux et les cités mentionnées dans le texte soit étaient désertées depuis longtemps ou pas encore réinvesties à l’époque racontée par les auteurs. La cité d’Hébron est le centre commercial entre l’Arabie l’Égypte et les ports Philistins de Tyr , Sidon, Ashdod et Ashkelon. L’ancêtre tutélaire d’Hébron va devenir le « père des patriarches » Abraham, qui devra bien s’entendre avec les autres figures des tribus de la région. Elles deviennent ses fils dans les récits de la Genèse : Les compromis économiques font les grandes familles.

1 Samuel 6 : 1 – 21

L’ « Arche de l’Alliance » est une sorte de patate chaude, un objet extrêmement encombrant qui rappelle les fondamentaux de l’humanité, donc divins. Si « les autres » ont gagné les batailles depuis pas mal d’années, c’est que nous n’avons pas été fidèles au contenu de l’arche.

Et si ceux qui le détiennent ont des problèmes, c’est qu’ils n’ont pas compris que son « fonctionnement » est exclusif de toute autre allégeance.

C’est le contenu significatif de l’Arche qui pose plus problème que sa réalité matérielle.

Le récit ici se veut encore une fois pédagogique : Au 5e et 4e siècle la situation a changé ce ne sont plus les mêmes qui habitent les villes et les villages. Les mêmes causes produisent les mêmes effets : Va-t-on se battre pour le droit et la justice ou pour le pouvoir sur les voisins, pour les circuits économiques ou pour la liberté de vivre en paix ?

1 Samuel 7: 1- 27 :la restauration d’un « peuple »

Les Philistins sont définitivement vaincus/assimilés par les Perses vers -530.

Entre -520 et – 515 Suite à l’édit de Cyrus les sacrifices reprennent à Jérusalem. Le temple va être reconstruit. Il faut donc le re-légitimer en y réinstallant « la Loi ». Tous les temple de l’époque contiennent des statues ou des symboles de divinités… on ne peut pas y échapper, sauf qu’ici l’expression de « YHWH », ce sont dix paroles qui n’ont plus besoin de support matériel. Il faut également éliminer les restes des Baals et Astartés, et des autres divinités comme Ashéra, la compagne de YHWH qui s’efface des références depuis un siècle.

L’observation et l’étude de la loi vont remplacer les sacrifices dans les communautés éloignées à Babylone, et à Éléphantine, en Egypte. La pratique ouvrira la voie de la spiritualité et de la pratique Synagogale après la destruction définitive du Temple par les Romains.

C’est la période féconde de la rédaction des textes « historiques » de Samuel et des Rois qui vont être « publiés » en -444 avec la proclamation de « la Loi » (les 5 livres de Moïse) par Esdras et renouvellement de l’alliance avec Dieu.

Il faut raconter qu’à l’époque, Samuel, messager de Dieu, « Juge Prophète » a été à l’origine de la défaite des Philistins. – Josué avait vaincu Jéricho, alors pour les Philistins c’est aussi une vieille histoire. Les villes citées en fin de chapitre n’existaient pas à l’époque attribuée à Samuel, par contre elles sont bien réelles au 4-5e siècle, donc l’auditeur du récit comprend le contexte politique. Les Perses ont pacifié la zone… et donc Samuel pourra faire annuellement le tour des sanctuaires où il n’y a plus de conflit ouvert et il s’installe à Rama (Le Hauts), environ 8km au nord de Jérusalem, donc pas au Temple ! – Aujourd’hui en bordure des territoires « palestiniens », le lieu n’est pas répertorié sur les cartes israéliennes… Samuel ne serait sans doute pas bienvenus à Jérusalem.

1 Samuel 8 : 1 -22 « Tu l’as voulu, tu l’as eu ! »

Du point de vue contemporain, c’est le chapitre le plus révélateur de la pertinence des écrits bibliques.

Il faut absolument rétablir la situation, explique le texte aux juifs du 4e siècle. Les Perses libèrent les habitants de la région : Il n’y a plus de rois, ni de juges dignes de ce nom ; Les meneurs sont Esdras et Néhémie, prophètes autoproclamés et défenseurs d’une orthodoxie plus exclusive. Le Temple est en restauration, les cérémonies réorganisées. La paix semble pouvoir durer jusqu’à l’arrivée des romains. Il faut trouver un autre « modus vivendi ».

L’expérience montre que même avec un Juge-Prophète éclairé comme Samuel, la dynastie sacerdotale n’a pas d’avenir. Ses fils sont comme ceux d’Eli sont « dévoyés par le lucre : Ils acceptent des cadeaux, ils firent dévier le droit » (8:3). (Abu Dhabi et le Kremlin ne sont pas si loin!). Donc le bon peuple – il est toujours « bon » – va demander un roi à Samuel, pour faire comme tout les autres peuples du voisinage : Avoir un « Porte Parole » pour s’identifier, quand c’est nécessaire.

La pression exercée autrefois par les Philistins fut telle, qu’elle semble en partie avoir été responsable de l’institution de la monarchie israélite.

(Le personnage littéraire de) Samuel se rend compte que l’Arche de l’Alliance ne fait plus le poids, car elle a été subtilisée au moment de la destruction du Temple. La « Crainte de Dieu » n’est plus un argument de management.

Le peuple veut un Roi pour faire des affaires. Quelqu’un qui a visiblement l’autorité qu’il peut faire respecter, contrairement à une « éthique fondamentale » impossible à enfermer dans un code civil ou religieux. (Il a commencé à se faire à Babylone mais n’aura jamais statut juridique civil.)

Et là Samuel, inspiré par le bon sens et par Dieu va leur faire LE discours qui devrait être répété à toutes les ouvertures de constituantes et à toutes les élections

Samuel a demandé à « Dieu » ce qu’il devait faire avec la demande du peuple.

1 Samuel 8:7 Le SEIGNEUR dit à Samuel : « Écoute la voix du peuple en tout ce qu’ils te diront. Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi. Ils ne veulent plus que je règne sur eux. 8Maintenant donc, écoute leur voix. Mais ne manque pas de les avertir : apprends-leur comment gouvernera le roi qui régnera sur eux. »”

10 Samuel redit toutes les paroles du SEIGNEUR au peuple qui lui demandait un roi.

11 Il dit : « Voici comment gouvernera le roi qui régnera sur vous : il prendra vos fils pour les affecter à ses chars et à sa cavalerie, et ils courront devant son char.

12 Il les prendra pour s’en faire des chefs de millier et des chefs de cinquantaine, pour labourer son labour, pour moissonner sa moisson, pour fabriquer ses armes et ses harnais. 13 Il prendra vos filles comme parfumeuses, cuisinières et boulangères.

14 Il prendra vos champs, vos vignes et vos oliviers les meilleurs. Il les prendra et les donnera à ses serviteurs.

15 Il lèvera la dîme sur vos grains et sur vos vignes et la donnera à ses eunuques et à ses serviteurs. 16 Il prendra vos serviteurs et vos servantes, les meilleurs de vos jeunes gens et vos ânes pour les mettre à son service.

17 Il lèvera la dîme sur vos troupeaux. Vous-mêmes enfin, vous deviendrez ses esclaves. 18 Ce jour-là, vous crierez à cause de ce roi que vous vous serez choisi, mais, ce jour-là, le SEIGNEUR ne vous répondra point. »1

19 Mais le peuple refusa d’écouter la voix de Samuel. « Non, dirent-ils. C’est un roi que nous aurons. 20 Et nous serons, nous aussi, comme toutes les nations. Notre roi nous jugera, il sortira à notre tête et combattra nos combats. »

21 Samuel écouta toutes les paroles du peuple et les répéta aux oreilles du SEIGNEUR.

L’auteur du texte ne se fait aucune illusion, il a l’expérience de trois siècles de royautés calamiteuses, et donc il sait de quoi il parle.

Le peuple dit « Cause toujours on veut un roi » Samuel leur répondit « Vous l’aurez car Dieu dit : V.22 « Écoute leur voix et donne leur un roi »

Et Samuel les renvoya « foutez moi le camp !».

Le récit Biblique décrit leurs rois, qu’ils s’appellent Saül, David, Salomon et tous les autres.

Aujourd’hui « le peuple » élit Trump, Orban, Netanyahou, Erdogan ou Bolsonaro, ils sont de tous les temps, et agissent toujours de la même manière : Ils se font élire par le « bon peuple » qui a toujours raison… et voilà pourquoi on raconte cette histoire encore aujourd’hui.

Concrètement, et historiquement, ils n’ont plus eu de roi.

1 Le v. 18 préfigure les « Gilets Jaunes » de l’automne 2018