Et alors, c’est pas l’Apocalypse qui me fait peur !

Pour moi la « Bible » n’est pas « Parole de D.ieu » – mais je n’ai rien contre un avis différent – dans la mesure où la tradition juive m’a appris qu’il est impossible de dire quoi que ce soit sur D.ieu sans le trahir: Il reste inaccessible, innommable, inqualifiable, inimaginable…

Par contre, j’aime chercher ce que les humains ont essayé de dire en racontant leurs tribulations intellectuelles et parfois violentes, avec cette idée qu’entre la vie et la mort, nous avons assez de temps pour nous inventer des comportements et des bonnes raisons de les avoir pour survivre. Donc toutes sortes de bonnes raisons pour Inventer D.ieu.

Le choix des «  Animaux de l’Apocalypse » est stimulant pour les représentations artistiques qui sortiront de l’atelier de gravure, mais plus complexe pour clarifier ce que la présence de ce zoo fantastique fait dans ce livre qui a eu de la peine à entrer dans le canon des écritures…

Pour les lecteurs attentifs de la Bible, à la suite du monument de Charles Brutsch1, du commentaire de Pierre Prigent2 et de l’approche de Daniel Attinger3, dernier publié, que pouvons-nous dire d’autre que … ces animaux n’ont aucune importance en eux mêmes. Ils sont interchangeables, et nous pouvons les affubler de toutes sortes d’oripeaux, de têtes, de couronnes et de queues pour en deviner les sens cachés. Nous ne serons jamais les auditeurs du 1er ou du second siècle, pour identifier avec amusement les élucubrations de ce Jean dont tout le monde sait qu’il n’est pas celui qu’il prétend être, à part de Patmos… une île dont le vignoble est déjà renommé.

Mais prenons ce passage – un autre aurait aussi bien convenu – mais celui-ci se termine aussi par une phrase qui a fait couler beaucoup d’encre.

Apocalypse 14. 11Alors je vis monter de la terre une autre bête. Elle avait deux cornes comme un agneau4, mais elle parlait comme un dragon.

12Tout le pouvoir de la première bête, (Décrite dans le chapitre précédent) elle l’exerce sous son regard. Elle fait adorer par la terre et ses habitants la première bête dont la plaie mortelle a été guérie. 13 Elle accomplit de grands prodiges, jusqu’à faire descendre du ciel, aux yeux de tous, un feu sur la terre.

14 Elle séduit les habitants de la terre par les prodiges qu’il lui est donné d’accomplir sous le regard de la bête. Elle les incite à dresser une image en l’honneur de la bête qui porte la blessure du glaive et qui a repris vie.

15 Il lui fut donné d’animer l’image de la bête, de sorte qu’elle ait même la parole et fasse mettre à mort quiconque n’adorerait pas l’image de la bête.

16 A tous, petits et grands, riches et pauvres, hommes libres et esclaves, elle impose une marque sur la main droite ou sur le front.

17Et nul ne pourra acheter ou vendre, s’il ne porte la marque, le nom de la bête ou le chiffre de son nom.

18C’est le moment d’avoir du discernement. Que celui qui a de l’intelligence interprète le chiffre de la bête, car c’est un chiffre d’homme : et son chiffre est six cent soixante-six.

Inutile de chercher le numéro de portable de la bête : Nous savons que c’est un chiffre d’homme, et pas d’une entité évanescente magique ou divine : Qui fait la bête fait l’homme et vice versa5.

Ce qui paraît évident, depuis les lettres aux églises au début de l’Apocalypse, jusqu’à la descente de la Jérusalem Céleste, et ce que relève assez simplement Daniel Attinger6, c’est que Jésus de Nazareth est au centre de ce texte, qu’il est porté par l’ÊGISE (majuscule). Elle est ballottée par toutes les vicissitudes offertes par l’humanité, dans ses aspirations au pouvoir et les recours à la corruption. L’auteur de l’apocalypse décrit assez bien tous les travers de la politique et de l’économie, de la spiritualité débridée et de la magie si pratique pour vous faire prendre des vessies pour des lanternes, afin d’éclairer les lendemains, qui chantent des cantiques, même parfois, encore aujourd’hui, en Latin…7

Que signifie être croyant ? Les limites du formalisme fondamentaliste.

Si comme le laisse croire certains courants religieux, les rituels sont les conditions du salut : la burqa, la barbe, la tonsure, le rabat, la liturgie, les autels, les bougies et par dessus tout les yeux fermés et les mains jointes pour ne pas risquer de se rendre compte que tout change. En fait, chacun fait comme il peut : Nous ne nous compromettons pas trop, comme le soulignait le Père Beaupère:: « L’unité – Le Royaume ? – ne se réalisera pas grâce à nos efforts, mais quand le Christ le voudra ». En attendant, la Croix-Rouge, Médecins sans Frontière, L’Eper, l’action de Carême, comme d’autres, courent les risques que nous finançons par quelques clics de nos smartphones … quand même.8

La monétisation de la nature, comme y parvient Monsanto, y compris de la nature humaine, ne vous permettra jamais de profiter des richesses amassées, une fois vos cendres répandues dans le « jardin du Souvenir ». Vos héritiers n’y trouveront sans doute pas plus qu’un bonheur fugace sous l’œil d’un cyclone dévastateur comme la queue d’un serpent.

Les traités de sociologie, de gestion institutionnelles, de politique internationale sont toujours passionnants et/ou consternants à lire : Les pensées profondes des « coaches » ou des candidats aux plus hautes fonctions vont toujours s’échouer sur les écueils de l’amour propre, du besoin de s’affirmer, d’avoir raison contre la raison. Ils espèrent passer pour le plus fort à la tribune de la fête nationale, ou le lit de leur(s) maîtresse(s).

Pour l’auteur de l’Apocalypse, les animaux règlent les comptes des malades incapables ou « fainéants » qui nous gouvernent, élus politiques ou de Conseils d’Administration, de multinationales ou de gangs agro alimentaires. Il nous rappelle que finalement, ils se seront tous bouffés entre eux, aussi puissants qu’ils sont. Leurs statues d’or ou de plomb seront recyclées pour les plus grand bien de tous … Bon c’est pas demain la veille, il faudra attendre un peu… mais c’est en respectant les dix paroles et en allant comme Jésus de Nazareth jusqu’au bout de leurs conséquences qu’adviendra la Nouvelle Jérusalem.

Si la référence à Jésus de Nazareth est au centre de votre réflexion, comme le navigateur de votre action, votre bonheur sera assuré, car il a dit « JE SUIS9 » (est) le chemin, la vérité et la vie. Le reste n’est que chimère et langue de bois.

L’apocalypse serait donc un traité d’éthique comportementale, politique et sociale, destiné à inspirer les humains et les sociétés, dans le respect mutuel et la charité, la vérité et la solidarité. Faute de quoi les bestioles les plus terrifiantes vous magneront crus ou cuits. Nous ne sommes pas loin des contes de Perrault / Grimm, comme l’a montré Bruno Bettelheim10. Ce n’est pas Machiavel, mais qui veut la fin se donne les moyens : Tout le monde peut lire l’Apocalypse et en bénéficier, à condition d’user de la clé la plus simple : Il n’y a pas de mystère, juste de l’imagination ! 11

En situant le religieux – ce qui relie la communauté – à l’intérieur du concept de laïcité, il perd de son impact absolu et n’est plus une béquille de l’existence pour les handicapés de l’évolution… – vous avez dit « opium du peuple »?

En fait, ce n’était peut-être pas nécessaire d’écrire l’apocalypse, mais quel talent pour se faire vibrer le soir au coin du feu, et avoir peur en sachant qu’on ne risque pas grand chose..

1Charles Brutsch, « La clarté de l’Apocalypse » Labor et Fidès,5e édition 1966, 505 p.

2Pierre Prigent « L’apocalypse de Jean » Delachaux et Niestlé 1981, 382 p.

3Daniel Attinger,« L’apocalypse de Jean , à la rencontre du Christ dévoilé » Éditions Ouverture, 2005. 121p.

4Comme les faux Jésus de Nazareth ou messies dont il faut reconnaître le masque

5C’est la correspondance habituelle qui utilise les lettres hébraïques pour désigner les empereurs de Rome

6 Pasteur, co fondateur de la communauté de Bose

7 J’ai aimé l’identification de la « femme enceinte » avec sa couronne de douze étoiles, que les théologiens ont si souvent identifié à Marie (L’europénne). Mais les exégètes, plus souvent les non romains, identifient plutôt l’Eglise, qui met au monde l’agneau immolé … dont le sang va « laver » l’âme des pêcheurs : Tous ceux qui ont essuyé les genoux d’un enfant avec un mouchoir savent que le sang n’est pas vraiment à la hauteur d’Ariel pour laver plus blanc ! Oups Merci Calgon !

8Karl Barth paraphrasant Charles Péguy ( Le kantisme a les mains pures ; par malheur, il n’a pas de mains. ) disait que des chrétiens qui ne s’engagent pas gardent les mains propres … le problème est qu’ils n’ont pas de mains.

9« Eyeh asher Eyeh », traduit comme vous voudrez pour résumer « JE SUIS »

10Bruno Bettelheim , « Psychanalyse des contes de fée ». 1976

11Voir les tableaux de Breughel dans le « Jugement dernier en procès » André Herren, Ed Payot 2011